Jordan Pierre-Gilles et Renée Steenge ont des objectifs ambitieux au moment de se retrouver sous les feux de la rampe du patinage de vitesse courte piste canadien
Les patineurs de vitesse courte piste Renée Steenge et Jordan Pierre-Gilles font partie d’une équipe nationale redoutable qui regroupe 16 des patineurs les plus rapides au Canada.
Steenge a accédé au podium à ses premiers Championnats du monde de l’ISU à Séoul, en Corée du Sud, en mars 2023, alors qu’elle a remporté le bronze avec l’équipe canadienne du relais féminin 3000 m. Tandis qu’à ses premiers Jeux olympiques, à Beijing 2022, Pierre-Gilles a décroché l’or avec le relais masculin 5000 m d’Équipe Canada.
La saison 2023-2024 s’avère jusqu’ici une succession de découvertes et de percées sur le plan sportif pour ces deux athlètes.
En 1992, le patinage de vitesse courte piste est officiellement devenu un sport olympique. Les patineurs filent autour d’un anneau de 111,12 mètres en utilisant chacun des muscles qu’ils ont entraînés pour résister à l’immense force centrifuge qui tend à les expulser de la patinoire, tout en avançant à des vitesses vertigineuses. Le tout semble facile pour les athlètes d’élite.
Quand Steenge évoque ce qu’elle a réalisé, selon elle tout est une question de mental, de lames et de rythmes sur glace.
« Il y a un flux et un rythme qui sont plaisants. C’est ce que je ressens à ce niveau-ci, a-t-elle expliqué. Je suis vraiment en phase avec mes lames et la glace. Quand tu es à ton sommet et que tu te sens bien physiquement, ça se reflète dans ta façon de te déplacer sur la glace. Tu te sens bien. Tu glisses avec fluidité. »
Le temps que Steenge passe sur la glace ne se déroule pas toujours en douceur. Après la performance qui a permis à son équipe de rafler l’or au relais 3000 m à l’étape de la Coupe du monde disputée à Montréal au mois d’octobre dernier, elle a perdu toute sa fluidité à son retour à la compétition.
« Je ne patinais pas de façon très fluide sur la glace, mais il faut faire confiance à ses entraîneurs et à son programme d’entraînement. J’aime beaucoup avoir une routine et une structure, alors dès que je ne me sens plus à l’aise sur la glace, je reviens à la base en faisant les mêmes échauffements, les mêmes activations, j’essaie d’amener mon corps à se sentir de la même façon chaque jour.
« Nous avons des entraîneurs et un personnel technique qui sont vraiment très bons. Notre entraîneur technique s’occupe de nos lames et il est très bon à ce niveau. Il suffit que tu lui parles, que tu discutes avec d’autres entraîneurs aussi et ça te donne des idées sur les façons de retourner au sommet. Cependant il faut avoir confiance que toutes les pièces du casse-tête vont finir par se mettre en place en fin de compte. »
À l’âge de huit ans, quand Steenge a enfilé les patins à longues lames pour la première fois, les relais et les exercices composaient la plus grande partie de sa routine quotidienne.
« Quand j’étais plus jeune, ma mère a amené mon frère et moi à pratiquer tellement de sports dans la ville de Brampton (Ontario). Elle nous a inscrits au volleyball et à des cours de natation et nous avons ensuite commencé le hockey, mais nous n’avons pas tellement aimé ça, et ensuite nous avons vu qu’il y avait du patinage de vitesse. Elle nous a inscrits, nous l’avons essayé et nous avons vraiment aimé ça. C’était une vraie belle communauté, il y avait de très bons entraîneurs et tout le monde était vraiment accueillant, alors nous avons continué.
« C’était plaisant. Nous ne faisions jamais des tours de patinoire. C’étaient des relais et des exercices, il s’agissait de faire du slalom autour des blocs et de sauter sur des matelas. Ce n’était pas tellement structuré. »
Steenge a ensuite appris à apprécier les bienfaits d’un encadrement bien structuré, ponctué de séances d’entraînement bien régies et de cours exigeants à l’université. Une remarquable étudiante athlète – Patinage de vitesse Canada lui a attribué la Bourse commémorative Peter Williamson en 2022-2023 –, Steenge a quitté Brampton pour s’installer à Montréal dans le but de s’entraîner avec l’équipe nationale et de poursuivre des études en génie à l’Université McGill. Quand elle n’est pas sur la glace ou en classe, elle construit des petites maisons en bois, ce qui lui permet de mettre à profit sa créativité et son besoin d’explorer.
« Je bâtis des maisons miniatures faites en bois, ça stimule mon côté créatif. Quand je voyage, j’aime beaucoup examiner la structure des bâtiments. J’ai étudié en génie civil, donc je prends beaucoup de photos. J’adore les Pays-Bas ! C’est mon endroit favori. J’adore les structures et les maisons en briques et là-bas, il y en a partout. »
Par contre, ne cherchez pas les photos de Steenge sur Instagram; elle n’a pas de compte. Steenge préfère tisser des liens en personne plutôt que par la voie numérique.
Steenge met énormément l’accent sur le besoin d’améliorer son niveau de performance dans les courses individuelles et elle vise de participer à ses premiers Jeux olympiques en 2026. Malgré la pression que comporte la compétition à l’échelle internationale, elle savoure le temps qu’elle passe avec ses coéquipières du relais.
« Les six autres filles avec lesquelles je m’entraîne sont tellement tenaces. Je trouve que c’est tellement une belle qualité à avoir. Elles affichent beaucoup de discipline et d’ambition. Ce sont des personnes vraiment gentilles et c’est tellement plaisant de les côtoyer. »
Quand on lui demande comment la vie sur la glace a façonné sa vision de la vie en général, elle répond d’un air pensif.
« Si je ne me retrouve jamais aux Jeux olympiques, ou si je ne retourne pas aux Championnats du monde, que vais-je faire après tout ceci ? Je pense que c’est ça qui me pousse à continuer. Je constate que suivre ce parcours m’a amenée à faire preuve de plus de discipline et je repousse mes limites physiquement. »
Steenge croit fermement au potentiel de la prochaine génération de patineurs de vitesse à l’échelle nationale et elle tient mordicus à contribuer à créer un climat de croissance positive au bénéfice de ceux et celles qui suivront.
« Si c’est quelque chose que tu aimes faire, continue. »
Le médaillé d’or olympique Jordan Pierre-Gilles – dont le prénom a été inspiré par celui qui a sans aucun doute été le plus grand joueur de basketball de tous les temps, Michael Jordan – met tout en œuvre pour devenir le patineur courte piste le plus rapide de l’histoire au 500 m.
« Je n’ai pas encore atteint mon apogée. Je vais effectuer le travail nécessaire pour y arriver. Je sais pertinemment que je vais atteindre mon apogée dans quelques années. Mon objectif ultime serait d’être champion olympique et du monde dans une épreuve individuelle et d’avoir un record du monde au 500 m. »
Né en 1998 dans une famille de soccer à Sherbrooke, au Québec, le meneur actuel au classement de la Coupe du monde du 500 m a grandi en jouant au ballon rond. Quand il était enfant, Pierre-Gilles rêvait de devenir joueur professionnel comme son père. Il a changé d’idée à l’âge de 17 ans quand son père a reconnu qu’il avait un talent immense sur la patinoire et l’a encouragé à envisager plutôt le patinage de vitesse de haut niveau.
« J’ai eu de bonnes conversations avec mon père. Il m’a dit, ‘Je te vois patiner et je sais ce que tu es capable d’accomplir’. Une fois qu’il m’a dit ça, et vu que j’avais confiance en lui et en ma mère, ça m’a aidé à décider de choisir le patinage. »
Cette saison en Coupe du monde, Pierre-Gilles a décroché trois médailles d’or et une d’argent au 500 m et il a aidé le Canada à remporter trois médailles d’or et une d’argent au relais 5000 m.
Ses objectifs cette saison : être individuellement couronné le meilleur patineur de 500 m au monde et mettre la main sur d’autres médailles avec le relais canadien. Il faudra voyager beaucoup pour y arriver. Pour rester concentré, Pierre-Gilles, dont la mère est une Québécoise de souche et le père est d’origine haïtienne, trouve refuge dans la musique, qu’il écoute dans le cadre de sa préparation avant ses courses.
« La musique est une de mes grandes passions. C’est un passe-temps que j’ai développé depuis près de 10 ans. Je suis un grand passionné de musique. J’ai étudié la musique et j’essaie d’apprendre d’artistes de toutes les générations. Je collectionne les disques vinyle et j’ai un tourne-disque. J’assiste à beaucoup de concerts avec mon groupe d’amis. Quand j’étais un adolescent et encore aujourd’hui, mon artiste préféré est le rappeur Kendrick Lamar. J’adore Erykah Badu aussi. C’est une ambiance complètement différente, mais quand je suis seul, je vibre beaucoup en écoutant Erykah Badu, The Roots, beaucoup de jazz avec Louis Armstrong et Ella Fitzgerald. Il y a un large éventail d’artistes que j’aime. J’aime aussi le rap de la vieille école comme Outkast. »
De retour en force après s’être blessé la saison dernière, Pierre-Gilles dit s’être entièrement investi dans son engagement à atteindre l’excellence sur la glace. Il se concentre sur les choses qu’il peut contrôler et il aime garder les choses simples dans sa façon d’aborder les courses.
« Évidemment, je suis parfois nerveux, reconnaît-il. Mais dans mon cas, plus l’heure de la course approche, moins nerveux je deviens. Je ne me sens pas intimidé. Ce n’est vraiment pas comme ça que je suis comme athlète. »
Contrairement à Steenge, qui n’a pas de compte Instagram, Pierre-Gilles cherche à exprimer sa vraie personnalité dans l’espace numérique. Qu’il s’agisse d’un moment de joie ou d’une phase difficile, Pierre-Gilles dit que publier un message l’aide à réfléchir et à constater à quel point il a évolué physiquement et émotionnellement.
La diversité dans le monde du patinage de vitesse courte piste est à la hausse au Canada. À titre d’un des quatre athlètes de couleur au sein de l’équipe nationale qui compte 16 membres, Pierre-Gilles est fier de ses racines haïtiano-canadiennes et il ressent cette fierté chaque journée qu’il passe sur la glace.
« Je n’ai jamais été confronté au racisme dans le monde du patinage. C’est un sport accueillant. Quand j’ai commencé à patiner, il n’y avait pas beaucoup d’enfants noirs dans ce sport, mais c’était une motivation pour moi. Je sais qui sont mes ancêtres, ma grand-mère et mon grand-père ont fait beaucoup de sacrifices pour que je puisse avoir toutes ces opportunités, alors je veux leur rendre hommage. Juste le fait de savoir que je suis un des seuls Canadiens noirs à n’avoir jamais remporté une médaille d’or olympique (aux Jeux d’hiver) est quelque chose dont je suis extrêmement fier et ce que je dirais aux jeunes de couleur qui cheminent dans ce sport, c’est qu’il ne faut pas considérer sa race comme un obstacle. Plus le temps avance, plus nous voyons que la couleur n’est pas un obstacle. J’ai le sentiment que peu importe ta couleur ou tes origines, c’est vraiment ta motivation et ta discipline qui vont t’aider à être qui tu veux être. Il ne faut pas laisser le moindre obstacle t’arrêter. Il va toujours y avoir des gens qui vont te soutenir. Alors, vas-y, fonce. »
Après une saison de Coupe du monde de l’ISU couronnée de succès, le prochain rendez-vous pour l’équipe canadienne sera les Championnats du monde de patinage de vitesse courte piste de l’ISU qui auront lieu du 15 au 17 mars à Rotterdam, aux Pays-Bas.