Éducation olympique

Lettre à mon jeune moi – Vincent Lavoie

J’ai récemment eu la chance de pouvoir faire une entrevue avec Vincent Lavoie, ancien membre de l’équipe nationale de tumbling de Gymnastique Canada, pour la série de blogues #UneÉquipe intitulée Lettres à mon jeune moi.

Lorsqu’on est jeune, on vit souvent libre, sans se soucier des moments qui définissent la personne qu’on deviendra et qu’on est aujourd’hui. Cette nouvelle série de blogues suscite chez les athlètes une réflexion sur leur jeunesse, sur ce que le soi d’aujourd’hui aurait dit au soi d’hier. Dans ce blogue, l’ambassadeur #UneÉquipe s’imagine ce qu’il aurait dit à sa version de 15 ans sur le point de sortir du placard. Sans plus tarder… Et merci Vincent d’avoir partagé avec nous votre récit unique.

Cher Vincent de 15 ans,

Tu n’es pas toi-même aujourd’hui; cesse d’essayer d’être quelqu’un que tu n’es pas.

Je regarde des photos de toi à cette époque, ce que tu portais, et ce que tu portes aujourd’hui, ce qui était cool au secondaire, et ce que tous les autres faisaient – mais à quoi pensais-tu?

Tu vas commencer à sentir que ça ne « me » ressemble pas.

Tu commences peut-être déjà à le sentir.

Sois plus heureux. Sois le meilleur, meilleur que les autres. Sois plus intelligent, rapide, riche, populaire, productif, envié et admiré des autres. Du mois, c’est ce que tu entendras beaucoup. Des attentes positives irréalistes. Mais, comme je suis toi à 25 ans, je t’écris pour te dire de ne pas avoir peur et de te soucier seulement des vraies choses, du moment présent et des choses importantes, et non du superficiel et du faux.

Au cours des cinq dernières années, on s’est moqué de toi, on t’a crié des noms, on t’a taquiné, on t’a intimidé parce que tu es plus féminin, parce que tes amis sont principalement des filles, et simplement parce que tu es différent des autres garçons de ta classe. Je sais que ça fait mal et que tu as l’impression que ces âneries ne cesseront jamais.

Mais un jour, oui.

Très bientôt, tu en auras assez. Un jour, tu seras à l’école, en train de monter l’escalier, en train de te mêler de tes affaires, lorsque quelqu’un criera « gai » si fort que tu sauras qu’on parle de toi.

Pointe de sarcasme. À la personne qui m’a crié ce mot, je dis « félicitations pour le courage dont tu as fait preuve en te cachant dans l’escalier pour intimider les autres. » 

De cette situation, qui te semble difficile à encaisser, tu te diras « Oh non. Pas aujourd’hui. C’est fini. Je ne donnerai plus aux intimidateurs le bonheur de réagir et de les faire se sentir supérieurs. »

Alors, s’il te plaît, écoute ta petite voix qui te dit de répondre avec sarcasme à cette insulte et de répliquer en disant « Oh, mon Dieu, je ne savais pas que j’étais gai. Tu m’apprends quelque chose de moi que j’ignorais. »

Défends-toi contre les intimidateurs, neutralise-les, et tu seras surpris du gain de confiance ressenti qui fera toute la différence du monde. Tu ne vis pas une période facile, essayer de s’intégrer et découvrir sa personnalité n’est pas facile; mais laisse-moi te dire que tu as le meilleur groupe de soutien possible.

Les amis qui t’entouraient lorsque tu as dévoilé pour la première fois avoir une relation amoureuse gaie, au spectacle estival Les légendes fantastiques, t’appuieront à cent mille à l’heure. Tu te sentiras en sûreté dans ce groupe et tu auras plus de facilité à t’ouvrir à tes autres amis. Mais n’oublie pas cette parcelle de vérité : « Les amis, on peut toujours en choisir de nouveaux. La famille, on ne la choisit pas. »

C’est pourquoi tu es terrifié de le dire à maman et à papa en ce moment. Tu ne veux pas les perdre. Je te le dis tout de suite, tu ne les perdras pas. Mais en ce moment, tu te sens inquiet à l’idée de leur dire. Tes amis le sauront déjà depuis environ 6 mois quand tu te décideras. Et un malaise planera lorsque papa lira les commentaires sur Internet et te posera des questions à propos de ton amoureux. À ce moment-là, tu fixeras ton brownie, sans bouger, sans dire un mot. Il répètera la question calmement : « Est-ce ton amoureux? » Tu seras ailleurs, dans ta tête, et le doux écho répété de la question te fera réaliser que tu dois lui dire. Ce sera le moment. Tu ne vivras plus d’anxiété à l’idée de dire à tes parents que tu es gai. »

Tu dois cependant comprendre quelque chose. Ils auront de la difficulté à gérer ta sortie du placard. Et c’est OK. Après tout, ils n’ont pas passé les 15 dernières années à te poser des questions sur ta sexualité. Ils seront très clairs avec toi et te diront qu’ils t’aiment. Ils te diront que la situation pourrait expliquer certains comportements un peu bizarres de leur part, mais tu es toujours leur fils. Ils réussiront à trouver de nouveaux repères, et tout redeviendra normal. Ce qui compte le plus c’est qu’ils t’aiment d’un amour inconditionnel et qu’ils seront toujours là pour toi.

Tu réaliseras que, paradoxalement, s’ouvrir et parler de tes insécurités te donnera plus confiance en toi et plus de charisme en présence des autres. La douleur d’une confrontation honnête se dissipera et fera place à une confiance et un respect sans borne dans ta relation avec maman et papa. La douleur causée par tes peurs et ton anxiété sera le catalyseur de ton courage et ta persévérance.

Ce courage et cette persévérance t’amèneront jusqu’à l’équipe nationale de tumbling, puis après la retraite de la compétition, jusqu’au Cirque du Soleil.

Tu participeras à la finale des Championnats du monde, et du coup, tu mettras fin à la disette de 16 ans de l’équipe canadienne masculine de tumbling. Tu inscriras un nouveau record canadien pour les tumbleurs masculins, et ce record, tu le détiens encore à ce jour. Encore mieux, tu réussiras tous ces exploits en étant toi-même.

Tu seras en mesure de faire tout cela à cause de ton modèle, Denis Vachon – le meilleur tumbleur du Canada (à l’époque) maintenant devenu entraîneur-chef de l’équipe nationale – et des barrières qu’il a fait tomber. Il sera un exemple à suivre pour toi. Il te montrera comment être toi-même et réussir au plus haut niveau du sport en étant toi-même et en étant respecté par la communauté sportive. Il sera toujours très gai, et en parlera toujours haut et fort, avec une telle confiance et facilité. Il t’apprendra à être toi-même dans le gym et que ton homosexualité n’est pas un boulet dans ton sport. Il deviendra pour toi une idole, un superhéros, un entraîneur et le plus important, un meilleur ami. L’amitié que tu auras avec ton idole te semblera sortir tout droit d’un rêve, encore aujourd’hui.

Je sais, j’écris à mon jeune moi lors que j’ai encore de nombreuses expériences à vivre. Mais je veux que tu saches que je suis devenu la personne que je suis parce que tu as été fidèle à toi-même.

Il n’y a absolument rien d’admirable, aucune confiance, dans l’indifférence. Les personnes indifférentes ont peur du monde et des répercussions de leurs décisions. La volonté d’être différent, ça c’est admirable. Te montrer sous ton vrai jour aux gens qui comptent. Tes amis. Ta famille. Ton but. C’est ce qui compte. C’est pourquoi les intimidateurs n’ont aucune importance.

Un conseil, le jeune : n’aie pas peur de dire aux autres ce que tu aimes – les vêtements, l’orientation sexuelle –, ça ne veut pas dire qu’ils aimeront la même chose que toi, mais c’est OK d’être différent. La différence n’est pas toujours mauvaise. Aie confiance en tes différences : grâce à elles, tu te démarqueras, et grâce à elles, tu réussiras dans la vie. 

À bientôt,

Vincent Lavoie

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