Le Marathon de l’espoir : l’héritage de Terry Fox

Cet article fait partie d’une série du site Olympique.ca intitulée La course au Canada.

Dans toute l’histoire de la course au Canada, un personnage survole tous les autres lorsqu’il s’agit de toucher le cœur de la nation et de créer un sentiment d’unité et d’altruisme.

Terry Fox n’était pas un olympien et ne courrait pas pour gagner des médailles ou recevoir des honneurs. Il voulait tout simplement recueillir des fonds pour la recherche sur le cancer. Bien que cette maladie l’eût privé de sa jambe droite, il croyait que la meilleure façon d’atteindre ses objectifs de collecte de fonds était de traverser à la course le deuxième pays le plus vaste au monde.

Ainsi a débuté, il y a 35 ans, le Marathon de l’espoir, qui demeure, à ce jour, un exemple de bravoure et de détermination pour les Canadiens et Canadiennes. Grâce à l’un de ses plus illustres citoyens, le Canada tout entier court chaque année afin de maintenir en vie l’héritage de Terry Fox.

« C’était incroyable », a affirmé Fred, le frère ainé de Terry Fox, à olympique.ca alors qu’il était en camping la semaine dernière au bien nommé Hope, en Colombie-Britannique. « Lorsqu’il est décédé au mois de juin (1981), les Canadiens et Canadiennes n’allaient pas laisser tomber. Ils aimaient Terry et voulaient poursuivre son rêve. »

Même dans les circonstances les plus favorables, son objectif était ambitieux. Terry n’a pu finir sa course, le cancer se propageant à ses poumons et causant sa mort à l’âge de 22 ans, mais pas avant qu’il n’ait couru près d’un marathon par jour durant plus de quatre mois et demi. Son souvenir est toujours parmi nous. Chaque année, des centaines de milliers de Canadiens et de Canadiennes, et aussi des personnes à l’étranger, prennent en main le témoin et, en collaboration avec la Fondation Terry Fox, chaussent leurs souliers de course et courent.

Terry Fox reçoit l’Ordre du Canada (1980) quelques temps après être forcé d’abandonner le Marathon de l’espoir.

Au départ, le projet a surpris la famille Fox.

« Nous n’en avons pas beaucoup parlé. Lorsque Terry faisait toutes ces courses et ces entraînements, accumulant des milles, apprenant au début comment courir avec sa jambe artificielle et augmentant chaque jour la distance parcourue, nous croyions qu’il s’entraînait pour le marathon de Vancouver, et c’est ce qu’il avait dit à tout le monde », a expliqué Fred au téléphone.

Terry Fox a été amputé en 1977, à l’âge de 19 ans. Pas moins de deux ans plus tard, il avait recommencé à s’adonner à plusieurs sports, comme il le faisait avant son opération. À cette époque, il s’est aussi lié d’amitié avec le paralympien Rick Hansen, lui-même une grande source d’inspiration. Il s’est alors mis à réfléchir plus profondément sur le cancer et comment il pourrait faire une différence dans la vie des gens vivant avec cette maladie.

Rolland Fox aux côtés de la statue de son fils Terry à St. John’s, Terre-Neuve, en 2012.

Toute la famille, y compris les parents, Rolland et Betty, et les enfants, Fred, Terry, Darrell et Judith, ont déménagé du Manitoba en Colombie-Britannique en 1966, lorsque l’ainé (Fred) avait neuf ans. C’est en Colombie-Britannique que s’est concrétisée l’idée de cet incroyable périple.

« Terry, notre frère Darrel et Doug Alward (un ami de Terry) se sont rendus à Prince George avec Rick Hansen pour participer à une course », s’est remémoré Fred Fox. Il s’agissait du marathon « Prince George to Boston », à la fin de l’été 1979. Le débutant marathonien a terminé dernier, mais était ravi d’avoir pu compléter la course.

Posez la question à tout coureur de fond et la plupart mentionneront une journée en particulier, que ce soit à l’entraînement ou lors d’une course, où les objectifs apparaissent atteignables. Le marathon de Prince George a été une telle journée pour Terry Fox. Et c’est là que le Marathon de l’espoir a pris naissance.

Terry Fox court sous escorte policière lors de son passage en Ontario.

« Terry a couru cette course avec des personnes qui n’avaient pas de handicap et de retour à la maison, il a avoué à notre mère qu’il ne s’entraînait pas pour le marathon de Vancouver, mais qu’il voulait traverser le Canada à la course. »

De nos jours, environ 800 communautés à travers le Canada participent à la Journée Terry Fox, organisée uniquement par des bénévoles, sans le soutien de grandes campagnes de promotion et de publicité. C’est tout à l’image des débuts modestes du premier Marathon de l’espoir.

« Après avoir appris ce qu’il voulait entreprendre quelques mois plus tard, nous nous sommes tous impliqués et avons fait tout ce que nous avons pu – collectes de fonds et autres – pour faire en sorte que Terry et Doug puissent se rendre à Terre-Neuve pour débuter la course », a raconté Fred, en ajoutant que la famille ne savait pas exactement comment tout ceci allait se dérouler et, encore moins, que cela deviendrait une affaire d’envergure nationale.

La statue de Terry Fox à Victoria en Colombie-Britannique, à quelques pas de l’océan pacifique.

La course a finalement débuté le 12 avril 1980. Dans un geste connu de tous, Terry a trempé sa jambe artificielle dans l’océan Atlantique, sur la côte de Terre-Neuve, et a entamé son périple avec pour objectif d’atteindre l’océan Pacifique à l’autre bout de notre immense pays.

Son frère ainé Fred souligne avec peine qu’il n’avait pas pu aider son frère autant qu’il l’aurait voulu puisqu’en 1980, il était lui-même un jeune homme qui tentait de démarrer sa propre vie.

« C’est l’une des choses que je regrette et que je ne pourrai jamais changer. »

Terry Fox s’adresse à la foule réunie au Nathan Phillips Square à Toronto.

« Il a parcouru 5000 kilomètres à l’entraînement avant même de quitter pour Terre-Neuve, et je ne l’avais jamais vu courir. La première fois que j’ai vu Terry courir a été en regardant les nouvelles de 18 h, qui le montrait en train de courir quelque part dans les Maritimes. J’ai finalement pu voir Terry courir en personne lorsqu’il est arrivé à Toronto. »

Au moment de son arrivée à Toronto, Terry était devenu un héros national. L’ainé des enfants conserve un bon souvenir de courir le long de l’avenue Université, jusqu’au carré Nathan Phillips, en compagnie de ses frères et du légendaire Darryl Sittler, des Maple Leafs de Toronto, et où les gens étaient alignés des deux côtés de la rue pour accueillir cette étoile naissante.

Terry Fox lors de sa traversée de l’Ontario.

Lorsque la course s’est dirigée vers le nord de l’Ontario, les frères ont de nouveau été réunis à Wawa, parcourant les collines légendaires de cette région pendant environ dix jours avant que Terry soit obligé d’arrêter le 1er septembre 1980, la réapparition du cancer ayant fait ses ravages. Ayant toujours l’espoir de retrouver la santé et de reprendre sa course solitaire là où il s’était arrêté, le plus illustre coureur du Canada est décédé neuf mois plus tard.

En 1988, la famille n’a plus dirigé ses efforts de collectes de fonds vers la Société canadienne du cancer, en partie pour respecter le souhait de Terry que tous les fonds recueillis en son nom soient versés au profit de la recherche contre le cancer.

Betty et Rolland Fox lors de la cérémonie d’intronisation de Terry au Panthéon des sports canadiens à titre posthume en 1981.

« Alors qu’il courait, Terry ne prenait rien, il ne voulait pas de l’argent qui était amassé. Ce n’était pas la raison pour laquelle il courait. Il voulait que chaque cent soit versé à la recherche. Compte tenu des obligations administratives, il n’est pas possible de verser chaque cent [à la recherche], mais il est important pour la Fondation de respecter le souhait de Terry. »

De nos jours, la Fondation Terry Fox est un organisme dont la structure est simplifiée, employant seulement 20 personnes à temps plein pour tout le Canada; la portion remarquable de 84 cents de chaque dollar versé est remise à la recherche contre le cancer.

Un policier monte la garde alors que des enfants prennent part une coure internationale de Terry Fox à Bombay, en Inde, en 2004.

« Nous avons fait les choses très simplement. Nous sommes près des gens. C’est ce que Terry aurait voulu. »

Les enfants de la famille Fox qui sont toujours vivants diffusent le message de leur frère aux écoles et lors d’autres événements à travers le pays, et même à l’étranger, où des expatriés canadiens et des résidents locaux ont commencé à organiser des journées Terry Fox dans des endroits tels le Maroc, les Émirats arabes unis et Singapour.

Cette statue commémorative de Terry Fox se situe à Thunder Bay, en Ontario, où Fox a dû s’arrêter après avoir parcouru 5 373 kilomètres en 143 jours.

Fred Fox ne cesse de s’étonner de voir que l’héritage de son frère a été transmis de génération en génération.

« La chose la plus incroyable est que j’ai la chance d’en faire partie en visitant les écoles et en partageant l’histoire de Terry », a fait remarquer Fred, en ajoutant qu’il découvre des enfants qui souvent, grâce aux parents et aux grands-parents, savent tout à propos de son frère.

« Terry a été obligé d’arrêter, mais les gens ont été touchés par tout cela. Terry disait : “Le Marathon de l’espoir, ce n’est pas à propos de Terry Fox, mais à propos de tous les autres gens qui, aujourd’hui et à l’avenir, seront touchés par le cancer.” »

Cette année, le 12 avril, la famille et les membres de la Fondation marqueront le 35e anniversaire de la première course à St. John’s, à Terre-Neuve. Les événements qui se tiennent en septembre n’ont toujours pas d’exigences en ce qui concerne les frais d’inscription et les dons. Néanmoins, l’an dernier, grâce à la générosité des participants, la Fondation a fait don de 14,6 millions de dollars pour la recherche sur le cancer. C’est quelque chose qu’elle continuera de faire aussi longtemps que les Canadiens et Canadiennes seront passionnément engagés à trouver comment guérir le cancer comme l’était Terry.

« C’est l’intégrité de Terry, son honnêteté, son engagement total, son altruisme, être présent chaque jour et courir presque un marathon par jour pour faire une différence dans la vie d’autres personnes. Je pense que c’est pour cela que les gens continuent de nos jours; ils ont été touchés par l’histoire de Terry et sont passionnés de continuer ce qu’il a commencé. »