La performance mentale en tête au camp d’évaluation de la LNH

Dans un match des séries éliminatoires de la LNH, ce n’est pas toujours dans la mire d’un tir frappé ou en marquant sur un retour de lancé que les joueurs donnent les plus grandes démonstrations de courage.

Au hockey, les grandes performances se jouent aussi sur le banc. L’esprit du joueur, longtemps ignoré, est maintenant en tête des considérations sportives et le hockey met les bouchées doubles pour rattraper son retard.

Carey Price

Brad Treliving, le directeur général des Flames de Calgary, prend une pause entre deux entrevues lors de la séance d’évaluation de la condition physique des espoirs admissibles au repêchage de la LNH. Son personnel et lui ont consacré une partie de la journée à l’évaluation de deux gardiens. Leur objectif est de cerner ce qui se passe sous les casques des deux jeunes hommes.

« Je pense que c’est à l’avant-plan pour toutes les équipes. Nous y consacrons beaucoup de temps et d’attention » , explique Brad Treliving. La liste des traits de caractère que son groupe cherche à mesurer comprend notamment l’éthique de travail, la réponse au succès et à l’échec et la motivation. Chacun de ces traits est à la base d’une excellente performance mentale, essentielle à la conquête de la Coupe Stanley. « Certains de nos outils sont issus de la psychologie sportive. Nous utilisons des questionnaires et des tests qui nous permettent d’avoir une bonne idée. Nous sommes en constante évolution et je crois que nous comblons nos lacunes. »

Brad Treliving

La LNH ne cache pas pourquoi sur les six jours du Combine, cinq sont consacrés à des entrevues en tête à tête avec les joueurs et une seule aux tests physiques. « L’aspect mental compte pour 90 %. Les lacunes physiques se règlent, mais les aptitudes mentales sont plus difficiles à changer », dit Brad Treliving.

Brad Treliving admet que le hockey a du rattrapage à faire en matière de psychologie des athlètes. « Au cours des dernières années, nous avons fait des efforts pour mieux comprendre la performance et les aptitudes mentales. Ce n’est pas vrai qu’on peut prédire à 100 % toutes les réponses aux questions que nous avons en évaluant l’aspect mental du jeu. Mais nous avons le sentiment que ce que nous découvrons nous permet des décisions plus éclairées », commente-t-il.

Pour le hockey, il s’agit bien plus d’une évolution que d’une découverte. C’est un sport qui a toujours accordé une grande importance au caractère et qui a su se servir de la science et de professionnels pour miser sur les aptitudes mentales.

Le docteur Matt Brown est un psychologue sportif qui travaille avec les équipes du Championnat mondial junior et du Championnat mondial des moins de 18 ans de Hockey Canada. Il guide aussi des athlètes olympiques canadiens. « La vérité est que la majorité des joueurs de moins de 18 ans avec qui je travaille n’ont jamais entendu parler de cette idée. Notre objectif est de leur enseigner un ensemble de compétences relativement rudimentaires », dit-il.

Mais le docteur Brown est très impressionné par ses jeunes joueurs. « Ils sont vraiment motivés à faire de leur mieux et ils sont de vraies éponges. »

Jake Virtanen, 17 ans, travaille avec le docteur Brown. Il occupe le sixième rang des patineurs nord-américains et même si une blessure à l’épaule l’empêche de participer aux tests physiques samedi, il se prépare à rencontrer des équipes. « L’aspect mental a gagné en importance au cours des dernières années et j’apprends beaucoup avec notre psychologue », raconte-t-il.

Jake Virtanen, Ashton Sautner.

Le docteur Brown est cependant sceptique par rapport aux méthodes employées par la LNH pour récolter des renseignements sur l’aptitude mentale pendant le Combine. « Certaines équipes essayeront de créer des tensions ou de l’adversité pendant l’entrevue et je ne suis pas convaincu que c’est la bonne façon de générer les données qu’elles pensent aller chercher », observe-t-il. C’est en parlant avec les joueurs et en se fiant à son instinct qu’on récolte les renseignements voulus. Plus le résultat est organique, mieux c’est. Il faut les faire parler de leur expérience et de leurs valeurs.

Le docteur Brown travaille aussi avec des athlètes olympiques où les aptitudes mentales sont à l’ordre du jour depuis bien plus longtemps. « Dans certains des sports olympiques, l’épreuve est l’affaire de quelques secondes et la moindre distraction peut faire la différence entre la première et la trentième place », dit-il.

Quand le talent s’allie à une bonne préparation et à de bonnes aptitudes mentales sur la plus grande scène sportive, le résultat peut passer à l’histoire. À Sotchi, il était difficile d’ignorer la facilité de Drew Doughty à saisir l’occasion ou la capacité de Carey Price à se détendre presque systématiquement malgré la pression. Sur la neige, Justine Dufour-Lapointe et Alex Bilodeau ont livré des performances sans faille en finale. Wayne Halliwell travaille avec les deux bosseurs et prépare des athlètes olympiques depuis plus de 30 ans. « En ski acrobatique, on travaille pendant quatre ans pour 25 secondes. Aux Jeux olympiques, la meilleure façon de laisser transpirer le talent et l’entraînement est de s’amuser, de se sentir libre et heureux d’être là », dit Wayne Halliwell.

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Il est intéressant de noter que selon Wayne Halliwell, la performance est un triangle composé des aspects physiques, mentaux et émotifs. Il dit que quand ça compte vraiment, c’est le côté émotionnel des vedettes qui doit fonctionner avec le plus d’efficacité et il croit que ce n’est pas en refoulant leurs émotions qu’ils y arriveront. « On ne peut pas se forcer à en profiter, on doit se laisser en profiter. »

Justine Dufour-Lapointe admet écouter la chanson « Roar » de Katy Perry pour se sentir légère sur ses skis. « Alex se disait seulement “de la m…, j’y vais” » rigole Wayne Halliwell.

Peu importe la méthode, le but du jeu est toujours de gagner. Dans une ligue aussi compétitive que la LNH, Brad Treliving indique que le moindre avantage sur l’adversaire est le bienvenu et c’est pourquoi son équipe et lui travaillent très fort à décrypter l’aspect mental de la chose. « Dans un monde idéal, les données que nous récoltons nous permettraient de prendre la bonne décision », dit-il.

Le hockey est sur la bonne voie et il peut compter sur les méthodes olympiques.

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